samedi 27 février 2010

L'automobiliste de 2015

France 2015.
Fred était en retard. Il monta précipitamment dans sa voiture, mis son casque et attacha son harnais. Il posa son pouce sur le détecteur d'empreintes pour faire démarrer son véhicule. le moteur tournait parfaitement, cependant il ne pût engager une vitesse avant d'avoir soufflé dans l'alcootest incorporé sur le côté gauche de son tableau de bord .La petite caméra en haut à droite commença à enregistrer des images vidéo diffusées en temps réel. Ces images étaient destinées à contrôler s'il avait bien les deux mains sur le volant, qu'il ne mangeait pas, qu'il ne fumait pas qu'il ne buvait pas.
Pendant qu'il enclenchait la première pour sortir de son garage, une voix féminine sur son ordinateur de bord lui rappela les consignes et les limitations de vitesse : 90 km/h sur autoroute 70 sur route et 30 en ville. Fred eut une moue amère:Il envisageait déjà de s'acheter une voiture à cheval. Le détecteur de vitesse incorporé dans la carrosserie de sa voiture s'enclencha lui aussi pour fonctionner parallèlement avec la caméra. La voix féminine de l'ordinateur lui souhaita bonne route,et lui rappela que le contrôle technique était dans 15 jours et que si il manquait ce rendez-vous, sa voiture serait immobilisée et une amende de 250 € lui serait envoyée par le biais de ses impôts.
Après quelques minutes de route, inconsciemment, Fred avait lâché quelques instants sa main droite de son volant ; l'intérieur de sa cuisse le démangeait et machinalement il se grattait.
Au bout de 15 secondes, une sonnerie stridente se déclencha à l'intérieur du véhicule et un voyant rouge s'alluma sur le tableau de bord pour lui indiquer qu'il avait lâché sa main du volant. Fred savait qu'il disposait de 30 secondes avant que son erreur soit enregistrée définitivement sur les écrans de contrôle de la gendarmerie nationale. Il reprit donc le contrôle de son volant comme la loi lui obligeait.
Pendant ce temps, les 15 satellites français de la sécurité routière travaillaient à plein rendement. Des millions d'images et de films vidéo circulaient entre la surface de la Terre et l'espace. Les détecteurs et contrôles automatiques de la gendarmerie décryptaient sans s'arrêter les données, les triaient et envoyaient directement le montant des infractions au domicile des propriétaires.
Des dizaines de lois avaient été votées par les députés depuis ces dernières années.
Cependant, à la demande des constructeurs qui avaient besoin de gagner toujours plus d'argent, ainsi que le gouvernement et je dirais même, surtout le gouvernement, les véhicules automobiles n'avaient pas été bridés.
Grâce à toutes ces mesures, il rentrait dans les caisses de l'État en moyenne 15 millions d'euros par mois. Tous ceux qui avaient perdu leur permis, à cause du détecteur d'empreintes incorporé dans le véhicule à l'achat, ne pouvaient pas conduire.
C'était très long et très coûteux de récupérer les six points que l'on avait au départ sur son permis. Les stages de récupération coûtaient une fortune et il fallait cinq ans sans infraction avant de récupérer tous ses points.
Dieu merci, grâce à notre gouvernement adoré et paternel, toutes ces mesures avaient limité fortement le nombre de conducteurs sans permis ; il était très difficile de faire une infraction au niveau de la vitesse, mais au niveau du comportement à l'intérieur de l'habitacle et du style de conduite c'était là que l'État gagnait le plus d'argent.
Quand il tourna à gauche, Fred omis de mettre son clignotant. Il fut instantanément averti qu'une amende de 10 € partait ce jour même à son domicile.
Dégoûté, il alluma la radio. La voix de son ordinateur de bord lui pria gentiment de réduire de deux unités le volume de son poste car celui-ci était un peu fort. Fred s'obtempéra car il savait que dans le cas contraire les détecteurs audio enverraient l'information au centre de gendarmerie.
Le scanner automatique programmé pour une fois par jour se mit en marche. Cet appareil était destiné à vérifier l'état des pneus des amortisseurs des freins etc. au bout de cinq minutes, son diagnostic était OK. Fred soupira de soulagement. La fin d'après-midi s'avançait. Le système d'allumage des phares automatiques avait été volontairement supprimé car on avait calculé qu'il empêchait une certaine rentrée d'argent dans les caisses de l'État. Heureusement, Fred s'en rappela et alluma de lui-même ses feux.
Cela faisait déjà presque deux heures qu'il roulait sur l'autoroute. La voix de son ordinateur de bord lui signala qu'il devait s'arrêter dans les 20 minutes qui suivaient et que justement, une aire de repos se situait à 15 km de lui. Une jauge rouge située sous son GPS lui indiqua qu'il devenait dangereux et qu'il devait s'arrêter avant d'atteindre les deux heures de conduite. Faute d'obtempérer, une amende de 250 € serait envoyée à son domicile et son véhicule s'arrêterait de lui-même au bout d'une demi-heure après le dépassement du délai autorisé.
Fred finit par arriver sur une aire de repos. Il coupa le contact. La voix de son ordinateur de bord lui rappela que son véhicule était maintenant hors service pour un quart d'heure. Fred n’essaya même pas de tourner la clé de contact car il savait que le moteur ne démarrerait pas avant le délai indiqué. Il se rappela que ce système de sécurité n'était plus monté sur les nouveaux véhicules afin de permettre aux automobilistes d'être tenté de faire une infraction. Il était question d'une amende de 300 € si le conducteur repartait avant les 15 minutes d'arrêt obligatoire.
Fred se dirigea vers la station-service pour satisfaire un besoin naturel. Il prit dans le distributeur automatique un chocolat chaud après avoir introduit trois pièces de un euro.
Le quart d'heure était passé, Fred de se dirigea à nouveau vers son véhicule. Avant de démarrer, il dut encore une fois souffler dans l'alcootest de l'habitacle interne pour pouvoir faire démarrer son automobile.
La voiture repartit lentement en sortant du parking de l'aire de repos et se dirigea vers la bretelle d'entrée de l'autoroute. La voix de l'ordinateur lui rappela que s'était limité à 90 par beau temps et à 70 par mauvais temps. Le péage n'était plus qu'à 10 km et Fred savait que pour les 150 km qu'il venait de parcourir il allait devoir débourser la somme de 50 €.
Heureusement, son véhicule ne consommait que 3 l de gasoil aux 100 km. Malgré tout, le prix du gasoil se situait aux alentours de trois euros le litre. Il avait prévu de revendre son véhicule à la fin de l'année afin d'en acheter un tout électrique. L'autonomie de ces véhicules en question était de 1000 km et les batteries recharges dans les stations-service n'étaient pas encore trop taxées.
Il était obligé de tout calculer. Son petit salaire de 4000 € par mois lui permettait tout juste de le faire vivre sans excès, lui sa femme et ses deux enfants.
Il travaillait dans une usine de fabrication de radars routiers. Le secteur était porteur et les commandes de l'État affluaient sans arrêt. Pour le reste, l'économie du pays était plus ou moins en ruine ainsi que celle des pays européens car la plupart des biens de consommation étaient fabriqués en Chine ou dans les pays de l'Est pour un coût de production dérisoire; mais ça, c'est un autre sujet.